En début d'après-midi, sous un soleil resplendissant, seuls les préposés à l'organisation et au bon déroulement du spectacle occupent l'enceinte du stade Léopold Sédar Senghor. Paisiblement, les techniciens mettent la sonorisation en place, sous le regard d'airain des colosses du staff sécurité. Peu à peu, des vendeurs et vendeuses de cacahuètes ou de rafraîchissements s'installent dans la tribune officielle, à l'abri de tout risque d'insolation. Récipient isotherme en inox et gobelets plastique en bandoulière, Sidi Yassine qui a acheté du riz afin d'avoir accès au concert, ‘compte obtenir un retour sur investissement en écoulant son café-touba à l'affluence’. Pour profiter du show, il fallait en effet sac de riz délier. Chaque spectateur a montré patte blanche en offrant au moins un kilogramme de cette denrée si prisée par les Sénégalais. L'enjeu étant ‘non d’amasser une belle somme d’argent de peur de la retrouver éparpillée et mal gérée, mais plutôt de collecter une bonne quantité de nourriture à distribuer aux populations qui en auraient besoin’ d'après Narcisse Agossa, initiateur du concert de samedi. Des voix émergentes de la musique sénégalaise ont tenu à marquer l'événement. Le rappeur Big D, ainsi que Pape Diouf, le lead vocal de la ‘Génération consciente’, et Abou Thioubalo se sont produits sur scène, au grand bonheur de l'assistance.
Cependant, leurs prestations, ponctuées d'appels à l'entraide et à la solidarité nationales, étaient quasi confidentielles. Faute d'une campagne de communication à la hauteur de ses ambitions, l'événement n'a pas su fédérer des masses autour de la cause des plus démunis. ‘Il a été difficile de trouver des partenaires. La plupart des médias, doutant que cette manifestation soit à but non lucratif, ont demandé une contrepartie pour les insertions publicitaires. Or nous ne disposions pas d'assez de financement pour çà. En plus on a accusé du retard dans l'impression des affiches’, précise Narcisse Agossa, un brin amer. Les gradins du stade Léopold Sédar Senghor étaient désespérément clairsemés samedi. A tel point que le public est à maintes reprises convié à resserrer les rangs, et à s'asseoir en formation compacte, face au podium. Rien n'y fit. Jusqu'à ce que Big D, ingénieux, demande aux spectateurs de descendre des tribunes pour s'amasser aux pieds de la scène, sur la piste d'athlétisme, réchauffant un peu l'ambiance.
‘Parfois, c'est l'indifférence qui fait la différence’
Les rares solidaires présents ont donc eu droit à un concert privé. Pas grand monde n'était informé de l'événement qui, tout au plus, a attiré 400 personnes. Imposant, le stade peuplé de ses quelques occupants, évoquait une marmite dans laquelle on ferait bouillir un minuscule grain de riz. Avant le show, les allées et venues des amateurs de tennis et de taekwondo qui s'entraînent au stade, présageaient cette faible affluence. Ces sportifs, peu au fait du concert qui se préparait devant eux, rejoignaient, indifférents, les courts de tennis et le dojo, structures sportives annexes au terrain de foot. Les artistes n'ont d'ailleurs pas manqué de déplorer le manque d'engouement suscité par ce concert humanitaire. Pour André Diop, un spectateur venu surtout assister à la prestation d'un ami chanteur, ‘tous les artistes et lutteurs devraient s'illustrer par leurs dons lors de tels événements’. Pour lui, c'est le public qui fait leur force et leur permet de s'enrichir, ‘donc lorsque le peuple souffre les célébrités doivent venir au chevet des nécessiteux’. Visiblement dépité, André s'inquiète de la transparence dans la distribution des ‘denrées collectées qui doivent, bien sûr, être délivrées à qui de droit’. Malouida, Maïmouna Johnson et le petit Alex ont témoigné de leur solidarité aux populations vivant dans la précarité, à l'instar de nombreux autres artistes, rappeurs et reggaemen sénégalais.
Annoncés comme parties prenantes à ce projet humanitaire, Mbaye Dièye Faye, Dread Maxim, Carlou D, Fallou Dieng ou encore le lutteur Balla Bèye 2 se sont illustrés par leur absence. Narcisse Agossa, vice-Président de l'association ‘1.2.3 Action’, n'en retient que le meilleur. ‘Les artistes qui ne sont pas venus m'ont pourtant donné leur accord de principe. Je pensais qu'ils honoreraient leur parole’, explique-t-il, magnifiant l'engagement de ceux qui ont répondu présent. Il remercie le ministère des Sports qui a gracieusement mis le stade à sa disposition, ainsi que le ministère de l'Agriculture pour ‘la modique somme de 200 000 Fcfa’. L'association ‘1.2.3 Action’ ‘attend le feed-back de la mairie de Dakar, le maire s'étant engagé à apporter sa pierre à l'édifice’.
Et bien heureusement, une société importatrice de riz s'est illustrée en offrant 2 tonnes de riz. Les fruits de la collecte iront aux sinistrés victimes des inondations dans les villes et aux paysans qui ont perdu leurs récoltes. Narcisse Agossa, qui s'indigne que certains grands artistes aient demandé un cachet pour se produire à un concert humanitaire, compte institutionnaliser cette initiative dans le temps et dans l'espace. Optimiste, il projette d'instaurer ‘une continuité dans toutes les régions du Sénégal afin qu'à terme les autorités fassent de cette date (le 03 octobre) une journée nationale de la solidarité’.
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