Le chef de l'Etat Macky Sall pourrait se prononcer rapidement sur une date de l’élection présidentielle, fort de recommandations proposant l'organisation du scrutin plusieurs semaines après l'expiration de son mandat actuel.
M. Sall doit présider ce mercredi un conseil des ministres au cours duquel devrait être présenté un projet de loi d'amnistie générale.
Cette amnistie est un des éléments de sa réponse à la crise provoquée par l'ajournement de la présidentielle qui devait avoir lieu dimanche dernier.
Un renvoi du scrutin au-delà du 2 avril, fin du mandat de M. Sall, et le maintien de ce dernier dans ses fonctions jusqu'à l'installation de son successeur sont de nature à provoquer la colère du front politique et citoyen qui s'est formé après l'annonce du report, en plus de soulever des interrogations constitutionnelles.
Aucune indication officielle n'a été fournie quant au moment où M. Sall tranchera sur la date du scrutin, même s'il a déclaré ces derniers jours qu'il statuerait vite, voire "immédiatement", en cas de "consensus".
Boycott
Lundi et mardi, un "dialogue national" s'est tenu pour réfléchir à cette question: réunissant quelques centaines de responsables politiques, religieux ou sociaux, il a accouché d'un "large consensus" sur différents points, ont indiqué plusieurs participants.
D'après ce "consensus", dont on ignore s'il a été officiellement transmis à Macky Sall, la présidentielle aurait lieu après le 2 avril. Des participants ont cité la date du 2 juin au plus tôt; d'autres ont parlé de juillet.
M. Sall resterait en fonction jusqu'à l'investiture du cinquième président du Sénégal. Cela reviendrait au mois de juillet au plus tôt en cas d'élection le 2 juin et de second tour, probable en l'état actuel.
La liste des 19 candidatures validées en janvier, qui a donné lieu à des contestations notamment en raison des candidatures exclues, serait au moins partiellement réexaminée.
Ces préconisations ont été déclarées inacceptables par une partie de la classe politique et de la société civile, alors que 17 des 19 candidats homologués ont boycotté le "dialogue".
La plupart d'entre eux ont saisi le Conseil constitutionnel pour qu'il constate formellement le manquement du président à organiser l'élection.
Incertitudes
Le front anti-report soupçonne Macky Sall de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal à la présidentielle, soit pour s'accrocher au pouvoir.
Les participants au "dialogue" ont "livré à 100 % la commande de Macky Sall", a affirmé sur les réseaux sociaux l'un des 17 candidats, l'opposant Thierno Alassane Sall. "Macky Sall et ses complices oublient juste un détail: si tous les partis politiques du Sénégal, l'ensemble de la société civile, les candidats officiels ou recalés, se mettaient d'accord, leur consensus ne saurait prévaloir sur la Constitution", a-t-il ajouté.
Le président Sall s'est défendu de quelconques arrière-pensées. Il a même exprimé son impatience de partir tout en se disant "prêt à prendre sur (lui)" et à rester dans "l'intérêt supérieur de la Nation".
Il a justifié le report de la présidentielle par les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et la crainte qu'après les heurts meurtriers de 2021 et 2023, un scrutin contesté ne provoque une nouvelle poussée de fièvre.
L'incertitude plane ainsi tant sur l'acceptation des propositions du "dialogue" par le chef de l'Etat, que sur la réaction du front anti-report.
Après l'annonce du report le 3 février, des manifestations, réprimées, ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d'interpellations. Mais l'opposition et la société civile ont peiné à mobiliser massivement au-delà des réseaux sociaux. Un appel à une journée "villes mortes" et une grève générale a ainsi paru peu suivi mardi.
Autre inconnue: la réaction du Conseil constitutionnel. En mettant son veto au report le 15 février, le Conseil avait écrit que "le mandat du président (...) ne peut être prorogé" et que "la date de l'élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat". Les participants au "dialogue" invoquent l'article 36 de la Constitution selon lequel le président "reste en fonction jusqu'à l'installation de son successeur".
L'opposant Thierno Alassane Sall place clairement ses espoirs dans le Conseil constitutionnel qui "ne peut que persister et signer (...) sauf à se renier".
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