Il se disait le défenseur acharné des causes africaines, le premier et le plus redoutable opposant au régime d’Abdoulaye Wade au point d’intenter -contre le chef de l’Etat sénégalais, sa famille et quatre autres présidents- une procédure judiciaire pour «acquisition illégale de biens immobiliers en France» et «détournement de fonds publics» auprès du juge d’Instruction du tribunal de Grande Instance de Paris. Au finish Amadou Diaw JOG-JOTNA se révélera un piètre intrigant rêvant d’Europe qui –pour échapper à l’expulsion- s’est accroché à toutes les occasions à sa portée. Comme un certain Omar Bâ, l’auteur d’une authentique ‘‘Soif d’Europe’’, il a berné son monde en faisant sien ce combat salutaire du ‘‘défenseur des faibles’’. Un combat que tout le monde sait pertinent mais dans lequel peu de gens osent encore s’engager. Comme l’écrivain, il a réussi à s’ouvrir la Une des journaux, à faire parler de lui sur Internet comme dans les salons feutrés, à se rallier des notables français -comme le député de gauche Jean-Marc Ayrault- et suscité l’espoir de nombreux africains qui ont vu, en lui, le nouveau porte-étendard de la cause africaine avant de se divulguer piètre aventurier, prêt à tout pour rester en France. Portrait d’un manipulateur maladroit….
Samedi 6 février 2010, nous sommes à la gare du Nord, -la plus grande gare ferroviaire d’Europe- dans la capitale française. À notre demande, nous avons rendez-vous avec le président du MLA-JOG-JOTNA, Moment de se Lever pour l’Afrique, le fameux auteur de la très médiatisée plainte déposée contre Abdoulaye Wade, sa famille et quatre de ses pairs africains accusés d’avoir pillé les ressources de leurs pays respectifs. Accompagné d’un ami -le trésorier du MLA- Amadou Diaw, vêtu d’un ensemble Blue-jeans et coiffé d’un chapeau Borsalino, nous reçoit dans un café, confortablement installé dans un moelleux fauteuil. Grand d’environ un mètre 75 et fort de 70 kilos, le regard constamment fuyant, de petits yeux globuleux enfoncés dans un visage tuméfié -comme s’il usait et abusait d’antidépresseurs- et doté de lèvres immensément grosses et rougies, Amadou Diaw est là devant nous. Né en 1956, l’homme n’est pas un gamin même s’il pose des actes enfantins. Comme tout bluffeur qui cherche, dès le premier contact, à impressionner son vis-à-vis, il fouille dans ses poches, y extirpe deux papiers froissés portant les seings du Consulat général de France à Dakar et nous les tend pour décliner son identité. Avec l’impéritie d’un apprenti manipulateur, il lâche : «je suis français». Sa ‘‘francité’’, il n’a que ça en tête ; au point d’en devenir grotesque. ‘‘Parce-que, déclare-t-il comme une loi, mon grand-père et mon père l’ont été et c’est le Consulat de France à Dakar qui m’a reconnu ma nationalité française’’. Et, c’est pour obtenir une hypothétique nationalité française que le petit-fils de feu Massamba Diaw a quitté, en octobre 2007, son pays natal avec un visa touristique, ‘‘pour, dit-il, me faire soigner en France’’. Mais une fois à Paris, il ne veut plus rentrer. Il n’a ni le droit de travailler ni les moyens de se loger. Il tape à la porte des associations qui -vu ses 51 années et son état de santé défaillant- lui trouvent une chambre commune dans un foyer des demandeurs d’asile et personnes vulnérables.
L’asile français
À la préfecture où il s’est rendu pour faire valoir son droit de filiation, on lui a dénié ‘‘sa francité’’. S’en est suivi un bras de fer avec la France dont il accuse le régime de ‘‘monstruosité’’. Pour illustrer ses diatribes, il affirmait tout de go ‘‘mes péripéties juridico-administratives avec l’Etat Français le confirment’’. Et pourtant, c’est ce même Etat qui le nourrit, le blanchit, lui paye ses frais de transport et le loge -à titre humanitaire- au frais du contribuable français. Mais aveuglé par son désir, il ne cesse de la vilipender. ‘‘Comment comprendre, fulmine-t-il sans apporter de preuves, que le Préfet de Paris ait osé mettre à la poubelle, déchirer ou détruire la copie intégrale de mon acte de naissance datant de moins de trois mois qui est la preuve de la nationalité française à l’effet de me qualifier d’étranger à expulser’’. Suite à la fin de non-recevoir que lui a notifiée la préfecture, une Obligation de Quitter le Territoire lui a été enjointe. Désormais tout policier peut le prendre dans la rue et le conduire dans un centre de rétention pour le faire expulser. Lui qui a quitté son travail, perdu son salaire et abandonné les siens pour la France avec l’espoir de rentrer les poches pleins d’Euros va, soudainement, se sentir inutile et rejeté malgré ses diplômes en mécaniques. De ce désœuvrement et de son dénuement vont naitre son extrême fragilité psychologique et son incohérence dans le propos. Il se bat contre l’injonction du préfet en faisant un recours en annulation devant le tribunal administratif de Paris. Mais ce dernier confirme la décision du préfet et il ne lui restait plus qu’à trouver une idée géniale, une cause profitable pour rester en France.
‘‘Ma mère est malade’’
Mais Amadou Diaw ne veut pas admettre cette réalité et tente, une fois encore, de nous berner. ‘‘Vous savez que si je n’étais pas Français je n’aurais pas droit à l’aide juridictionnelle’’, répète-t-il. ‘‘C’est faux, lui faisons-nous remarquer, pour lui montrer que nous maitrisons mieux que lui le sujet, l’aide juridictionnelle c’est pour tout individu vivant en France et qui n’a pas les moyens de se payer un avocat pour ses démarches administratives’’. Pris à son propre piège, il baisse la tête et change de sujet. Nous sommes en mai 2009 et, dans son hôtel-foyer, le leader de JOG-JOTNA vit avec de nombreux sans papiers-africains. Il est l’un des rares à avoir fait des études et ne va pas tarder à se faire remarquer. C’est ainsi qu’il va les convaincre de créer une association qui va ‘‘défendre de grandes causes’’ pour espérer bénéficier de l’Asile politique en France. C’est la naissance du MLA, l’adresse est la Maison des Associations du 20eme arrondissement de Paris. Lorsqu’ils apprennent, en 2009, que Françoise Desset, la doyenne des juges du pôle financier de Paris a décidé de poursuivre les présidents Omar Bongo, Sassou Nguesso et Théodore Obiang pour "recel de détournement de fonds publics", "blanchiment", "abus de biens sociaux" et "abus de confiance", ils décident de s’inspirer de l’action de Transparence Internationale France. Puisque lui, Amadou Diaw, est Sénégalais, il décide et convainc ses aventuriers de compagnons d’inscrire Wade sur la liste des présidents prédateurs.
La bouche qui saigne
Pareillement à l’association française, le MLA se rend auprès de la même juge pour y déposer sa plainte et organise la fuite dans la presse. Celle-ci accepte le dossier et demande le dépôt de 1000 euros pour la constitution de partie civile. C’est comme un pêcheur du dimanche qui se retrouve avec un requin dans les filets. Tout seul il ne peut pas le hisser dans sa barque. L’affaire surmédiatisée prend de l’ampleur avec la déclaration de Wade invitant les maires des communes de France à vendre tout immeuble qui lui appartiendrait. Les revues de presse collectées sur le net sont consignées comme des éléments de preuves pour étayer ses craintes de menaces de mort. Il fabule et se rend à la police pour signaler que des éléments de la DIC sont venus de Dakar pour le cueillir. Et depuis, ‘‘j’ai un agent de protection qui veille sur moi, assure-t-il, il a été mis à ma disposition par la préfecture de police et je ne crains plus pour ma sécurité.’’ Du rang de cas sociaux, les membres du MLA deviennent des héros adulés et salués par tous les démocrates. M. Diaw profite de sa nouvelle notoriété pour lancer une demande d’aide aux Sénégalais et démocrates de tous bords pour rassembler la somme et lui venir en aide. ‘‘Mais personne ne m’a jamais remis un euros’’, déplore-t-il. Ses deux numéros de comptes qu’il a publiés sur Internet pour recevoir les dons sont restés vides.
L’enfer, c’est les autres
Et voila trois ans qu’il est en France sans ressource. Il n’a pas de travail et sa mère, sa femme et ses six enfants restés au pays ne comptent que sur lui. Lui l’aventurier devenu l’ennemi public n°1 de quatre présidents africains ne parvient plus à nourrir sa famille. ‘‘Ma mère est malade et ma famille est en train de souffrir et personne ne veut lever le petit doigt.’’ ‘‘J’ai demandé à des Sénégalais, qui sont venus me voir, de m’aider. Ne serait-ce qu’avec 150 euros, à envoyer à ma famille, mais personne n’a rien fait’’, fulmine-t-il. Il a apostrophé Aïssata Tall Sall à la rue Solferino, lors de la rencontre du Parti socialiste, écrit et obtenu une lettre de soutien de Jean-Marc Ayrault. Et c’est leurs noms qui lui servent de cartes de visites pour se donner un semblant de crédibilité. ‘‘Souleymane Bâ, de l’Assemblée des Sénégalais de l’extérieur, s’était, accuse-t-il, engagé à me soutenir, mais personne n’a tenu parole’’. Cela en fait-il un maître-chanteur ou un escroc? Non! L’homme que nous avons suivi toute la journée de samedi n’est pas un gangster, c’est juste un homme fragile -psychologiquement- qui a porté un manteau –celui du justicier- trop lourd pour ses frêles épaules et il n’a pas bénéficié de bons conseils. S’il reconnait avoir écrit à Wade pour lui demander pardon, il ne dit pas avoir retiré la plainte devant les tribunaux.
La bête à égorger
Il ne peut pas le faire, car il n’est pas seul dans le MLA. ‘‘C’est dans le cadre des retrouvailles de la famille libérale que j’ai écrit cette lettre’’, parce que lui c’est un Pds. Mais aussi, ‘‘pour l’arrêt de l’information judiciaire ouverte à mon encontre par la justice sénégalaise et pouvoir rentrer un jour à Dakar.’’ En attendant que Wade veuille lui pardonner ses errements, ‘‘l’ancien professeur de mécanique au Lycée Maurice de Lafosse’’ -c’est sa parole- continue de s’adresser à la France pour demander sa « réintégration » dans la nationalité. Il n’a jamais été anti Wade même s’il l’a vilipendé dans ses sorties médiatiques. Il ne croit pas, non plus, à l’opposition sénégalaise comme son ‘‘combat’’ contre ‘‘les chefs d’Etat prévaricateurs de deniers publics’’ n’a jamais été une intime conviction. C’est juste un piètre opportuniste, un manipulateur maladroit, qui s’est trompé de combat. Et lorsqu’on lui demande s’il était prêt à jouer un quelconque rôle contre Wade, il ne va pas par quatre chemins : ‘‘ce n’est pas moi qui vais leur égorger leur bête. Je ne le ferai pas. Les opposants sont pires que Wade et les Sénégalais sont des traitres.’’ Alors est-ce que c’est parce que les Sénégalais ne lui ont pas donné de l’argent pour le soutenir dans ‘‘son combat’’ qu’il a senti nécessaire de trahir leur confiance et de caresser Wade dans le sens du poil ? Diaw répond sans équivoque : ‘‘la bouche qui saigne ne parle jamais de paix ; que ceux qui me jettent la pierre se regardent dans la glace. Je suis tranquille avec ma conscience, je préfère être égoïste comme tous les Sénégalais, nourrir ma famille et m’en tenir là’’.
Bacary Touré
Journaliste-écrivain
Consultant international
Tel 0033 6 26 32 82 97
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