Mi-juin, la CGT avait fait état de quatre cents régularisations de travailleurs sans papiers en Ile-de-France, sur les quatorze cents dossiers parrainés. Où en est-on aujourd'hui, trois mois après le début du mouvement de grève ?
Aujourd'hui, le bilan est de sept cent quarante-trois régularisations sur un total d'environ quinze cents dossiers déposés. C'est un chiffre important, et le rythme s'est très fortement accéléré ces deux derniers mois, puisqu'il n'y avait eu qu'une soixantaine de régularisations avant le 20 mai.
Le mouvement de grève s'est-il essouflé ?
La grève a cessé sur vingt sites, parce que les demandes de régularisations avaient été satisfaites. Mais le mouvement se poursuit sur quarante et un sites. L'issue est parfois proche : au restaurant "Chez Papa" , dans le 10e arrondissement de Paris, qui fut l'un des premiers établissements en grève mi-avril, il reste deux demandes en attente sur trente-neuf. Dans plusieurs autres entreprises aussi, la plupart ont obtenu des papiers, mais restent en grève pour que les demandes de leurs collègues aboutissent. C'est extraordinaire en France, un mouvement qui dure trois mois ! Au niveau de la seule confédération CGT, 66 000 euros ont été collectés depuis le début du mouvement. Cet argent nous permet de donner 100 à 300 euros par semaine aux grévistes, selon leurs besoins.
Vous avez déploré des disparités dans le traitement des demandes selon les départements, et souhaité que le gouvernement clarifie la situation. Où en est-on ?
Nous avons des réunions au ministère de l'immigration tous les dix jours environ. Le cabinet de Brice Hortefeux dit souhaiter une harmonisation des critères de régularisation, mais on n'y est pas encore. Ainsi, certaines préfectures demandent depuis combien de temps le travailleur vit en France, son ancienneté dans l'entreprise, s'il a de la famille... comme si elles procédaient à une régularisation sur des critères liés à la vie privée et familiale. Alors que les régularisations par le travail sont fixées par l'article 40 du projet de loi relatif à l'immigration et la circulaire du 7 janvier, qui stipule qu'il suffit d'un contrat de travail et que l'employeur verse une taxe à l'Office des migrations internationales.
Le ministère demande aussi aux préfectures de répondre plus vite, alors que certains dossiers n'ont toujours pas abouti en trois mois. Plus 300 demandes ont été trimbalées entre préfectures, parce que le demandeur vit dans un département et travaille dans un autre. Les préfectures donnent la priorité au lieu de résidence, alors qu'il s'agit de régularisations par le travail, et que de nombreuses demandes sont déposées par l'employeur pour l'ensemble des salariés concernés.
Quelles sont désormais vos priorités ?
L'urgence, c'est d'obtenir dans les jours qui viennent la régularisation des trente derniers dossiers de la première vague de grévistes, ralentis par les transferts entre préfectures.
Notre autre priorité, c'est d'obtenir cet été des solutions pour la régularisation des femmes qui travaillent dans le domaine des services à la personne. Elles ont souvent pour employeurs plusieurs particuliers, plutôt qu'une entreprise. Une des pistes serait qu'elles s'inscrivent dans une association, ou de permettre que leurs employeurs se partagent le montant de la taxe à l'Office des migrations internationales.
Enfin, nous tentons d'avancer sur la question des intérimaires sans papiers, qui se sont finalement révélés nombreux. Certains travaillaient depuis si longtemps en intérim pour une même entreprise qu'on a obtenu que celle-ci requalifie leur contrat en CDI. Mais on veut désormais régulariser ceux qui travaillent depuis longtemps pour une entreprise d'intérim spécialisée dans des métiers en tension. On a déjà obtenu, mi-juin, la création de formulaires pour les "travailleurs temporaires". Il y a des discussions avec les représentants du secteur de l'intérim. Reste à savoir qui versera la taxe à l'Office des migrations internationales.
Pas de troisième vague de grèves en vue, après celles du 15 avril et du 20 mai ? Mi-juin, Raymond Chauveau, secrétaire général de l'union CGT de Massy, disait que vous étiez "en mesure" d'en lancer une bien plus importante que les précédentes...
Nous sommes des gens responsables, nous ne voulons pas la grève pour la grève. Le ministère se dit prêt à regarder positivement les dossiers. Nous souhaitons que la régularisation par le travail devienne banale. Mais de nombreux salariés sans papiers se disent prêts à se mobiliser. Ce qui est clair, c'est que si les employeurs commencent à licencier des sans-papiers, on sera derrière.
Pour nous, la régularisation est un moyen de faire valoir des droits. On a ainsi obtenu, outre les requalification des contrats des intérimaires, des conversions de CDD en CDI et des revalorisations de salaire.
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